Platine, janvier 2001
A une poignée de semaines avant la première, vous avez l’air crevé ?
Ce n’est pas à cause des répétitions, mais parce que je suis sorti hier soir après les répétitions vers minuit. Ne le dies pas à ma production, mais je ne me suis pas couché (rires). Ce ne vraiment pas mon habitude car je ne sors jamais. Je n’aime pas le monde, la foule surtout dans les boîtes de nuit…
On raconte que Redha, le chorégraphe, est devenu le metteur en scène et a pris la place d’Ionesco ?
C’est vrai.
Redha ne vous fait-il pas trop danser ?
Ah non, car j’adore danser, même si, jusqu’à ce jour, je l’ai très peu fait sur scène. Dans « Les années twist », je me contentais de bouger en rythme. Avec Redha, même si pour lui ce n’est pas encore de la danse, je pense que je vais plus loin. Comme je suis d’une famille d’artistes complets et que je suis rentré dans ma première compagnie à l’âge de 15 ans, j’adore les challenges… J’aime beaucoup la façon de travailler de Redha car c’est quelqu’un de pointilleux, qui va au fond des choses, qui peut approfondir, tout en acceptant qu’on discute.
Il n’y a pas de tension ?
Si, un petit peu, comme toujours à quelques semaines du début d’un spectacle.
Vous êtes un des rois du monde. Depuis cet été, c’est vous qui portiez le spectacle. Ce n’est pas trop lourd ?
« Aimer » portait déjà le spectacle.
Même si « Aimer » a été un grand succès, ce titre a fait la moitié des scores des « Rois du monde »…
Oui, c’est vrai.
Après « Aimer », qui était à l’eau de rose, « Les rois du monde » est un titre plus musclé, on est passé du duo à la Stone et Charden au Boysband ?
Si c’est ça qui fait que ça marche… Pourquoi pas ? Je n’en sais rien, ce n’est pas du tout la musique que j’écoute. Et je ne connais pas l’industrie du disque, car je viens du monde de la scène. En ce moment, on me dit qu’on est n°1 depuis 15 semaines, que c’est énorme… je veux bien le croire, mais je n’ai jamais regardé le top des ventes de disque de ma vie, car ma musique c’est plutôt Nat King Cole. J’ai eu la chance d’avoir une famille qui m’a fait découvrir cette musique, tout comme les Suites de Bach. Voilà les hits du top 50 ne sont pas trop ma tasse de thé.
Aimez-vous Nat King Cole au point de chanter avec des arrangements à la Nelson Riddle, comme l’a fait en français Marc Laurens ?
Oui, même si, quand je dis ça à notre production, Daniel Moyne, il me répond que ça ne se vend pas et que je ne ferai jamais ça. (rires)
Harry Connick Junior a quand même vendu des disques en France avec l’album « Blue light red light »…
Oui, mais il a fait 5 ou 6 albums depuis. Moi, vraiment, j’adore Harry Connick Jr et son univers où il cherche toujours des choses nouvelles. Il ne refait jamais deux fois le même album. Je l’ai vu sur scène au Théâtre des Champs Elysées où j’ai pris une paire de claques. J’ai trouvé ça fantastique car ce type fait tout : il chante, il joue du piano… C’est vraiment mon univers, c’est ça que je voudrais faire.
Avez-vous déjà enregistré des maquettes pour un album solo dans cet esprit ?
Non, je ne suis pas vraiment chanteur, pour l’instant, je découvre. Je n’ai jamais pris de cours de chant car je suis avant tout comédien.
Pourtant on vous a entendu chanter dans « Les années twist », « Les années zazou », « La fièvre du samedi soir » et même les émissions de télé de Foucault ?
C’était la première fois qu’on me donnait l’opportunité de chanter en public. A partir du moment où je suis sur scène, jouer, chanter, danser… tout me va. En revanche, je déteste faire la promo. Il faut dire qu’à la base, mon but c’est d’écrire et réaliser des films. Pour l’instant, je n’ai mené à terme qu’un court-métrage, « Tattoo », qui m’a pris 5 ans et qui a été diffusé en France une quinzaine de fois sur Canal +. Un peu trash, il a même été vendu à Chanel Four en Angleterre, où ils l’ont sous-titré.
Avez-vous eu envie de passer de l’autre côté de la caméra lors du tournage du clip « Les rois du monde » ?
Oui, bien sûr car j’ai toujours envie, mais je n’étais pas là pour ça et puis, je ne me sens pas prêt. En Angleterre, ils m’ont proposé de faire des pubs, j’ai également refusé. Je ne suis pas assez au point pour travailler à la commande. Pour l’instant, je me ne sens simplement capable que de réaliser des choses que j’ai écrites. Pour en revenir au clip des « Rois du monde », je ne l’aurai pas tourné comme ça, même si je le trouve très bien.
Vous êtes chanteur depuis peu, mais musicien depuis longtemps… Vous devez composer ?
J’écris la musique, en revanche, je trouve qu’écrire des textes de chansons, c’est très compliqué, beaucoup plus qu’écrire un film. Mais, pour l’instant, ma carrière solo de chanteur n’est pas à l’ordre du jour : je me concentre sur Roméo et Juliette. Et puis, je ne suis pas le seul dans la troupe à avoir envie de sortir un album solo… certains ont plus envie que moi, je les laisse faire.
Quel est le problème de sortir chacun un disque solo ?
C’est un peu compliqué pour notre producteur, Daniel Moyne : il ne peut pas s’occuper de 14 ou 15 artistes solos en même temps.
Vous pensez que votre carrière solo se fera également avec Daniel Moyne comme producteur ?
Je ne sais pas, mais nous avons tous signé un contrat d’exclusivité avec lui. On doit leur faire écouter en priorité le premier album, ensuite, si ça ne leur plaît pas, on est libre d’aller ailleurs. Mais comme je ne connais pas forcément d’autres personnes dans ce métier et comme ça se passe très bien avec Daniel et Baxter, je ne vois pas pourquoi j’irai voir ailleurs. Tant qu’on ne me met pas un pistolet sur la tempe pour que je fasse de la techno, tout va bien. On ne m’a pas forcé à faire Roméo et Juliette, car je pense être très ouvert.
Vous qui êtes musicien, avez-vous apporté des idées lors de séances d’enregistrement de Roméo et Juliette ?
Oui, j’en ai eu envie, mais je n’étais pas là pour ça. Carolin Petit est un excellent arrangeur, chapeau bas ! Même si on n’aime pas les chansons de Presgurvic, on ne peut pas dire que ses chansons sont mal écrites ou mal arrangées. En studio, j’ai juste donné, comme tous mes camarades, des idées pour les voix, j’ai proposé des secondes voix, des tierces, des quintes… et de temps en temps, mes idées ont été acceptées. Gérard est assez ouvert là-dessus, même s’il voulait des choses assez précises pour ses chansons.
Pour les fêtes est sortie l’intégrale soit un double CD. Est-ce que les chansons qui étaient dans l’album simple sorti en début d’année ont été refaites ?
Non, pas du tout, les titres ont simplement été remastérisées et Gérard a revu quelques mixes. Comme on a eu à peine le temps d’enregistrer tous les nouveaux titres, on n’a pas pu refaire les voix sur les premiers morceaux.
Combien chantez-vous de titres dans cette intégrale qui en compte 37 ?
En tout, je chante 4 trios (« Les rois du monde », « La folie », « Les beaux, les laids », « On dit dans la rue ») et j’ai un morceau tout seul (« Comment lui dire »).
Vous avez envie qu’un d’eux constitue le nouveau single que vous auriez à promouvoir ?
Non, merci. De toute façon, ça n’arrivera pas, car on m’a bien vu. Place aux autres artistes de la troupe. Si cela arrivait, je serais bien obligé de le faire, car j’ai signé un contrat, mais, sans être un calvaire, ça ne m’enchanterait pas.
Quel est parmi vos titres celui que vous préférez si on met de côté « Les rois du monde » ?
De toute façon, je ne pourrais pas vous dire que je préfère celui-là, car je commence vraiment à en avoir ras-le-bol ! (Rires) En plus, c’est une chanson que je n’aimais pas dès le départ. Avec « J’ai peur », « Les rois du monde » étaient les deux chansons qu’on devait préparer pour l’audition. Et je priais pour que « Les rois du monde » ne soit jamais un single ! (Rires) Au lieu de virer celle-là, on en a supprimé une autre – une espèce de rock’n roll hyper marrant – dont le titre était « C’est samedi ». Le pire c’est que quand je parle avec Presgu des « Rois du monde », lui non plus ne l’aurait jamais faite en single.
Vous n’aimez pas les chansons populaires ?
Si… J’avoue même que le gimmick musical est très efficace, mais je crois que ce qui me gêne c’est le texte que je trouve un peu… hum… Pas plus, pas moins quoi.
Quel est donc votre titre préféré ?
Dans celles que je chante, il y a « Les beaux les laids » qui scéniquement est un tour de force comique. Avec Mercutio, on s’éclate bien. Redha en a fait un moment très drôle. C’est une des scènes de comédie dans le spectacle et il n’y en a pas beaucoup.
Comme Notre-dame de Paris, Roméo et Juliette est plus une tragédie qu’une comédie musicale…
Sans aucun doute… Shakespeare, on ne peut pas dire que ce soit à se rouler par terre…
Après les trois comédies musicales de Roger Louret : « Twist », « Zazous » et « 80 », ça vous change ?
On ne peut pas dire que c’étaient des comédies musicales, mais plutôt des spectacles musicaux ou des revues comme le Lido… Il n’y avait rien. On n’y racontait pas d’histoires. Mais j’adorais faire ça même si pour moi, la comédie musicale, c’est plus du théâtre musical.
C’est quand même grâce à des spectacles musicaux que les gens sont ensuite venus voir Notre-dame ?
Sont revenus, car en France il y a une longue tradition de l’opérette… Michel Simon, Arletty… qui étaient des vrais comédiens, attiraient les foules avec des spectacles où ils chantaient.
Pourquoi avoir fait trois spectacles musicaux qui ne semblent pas vous avoir comblé alors que vous auriez pu jouer dans de vraies comédies musicales qui se sont montées à Paris, comme « La-haut » de Willemetz…
On me l’a proposé… J’aurai adoré faire ça. Surtout que j’aime beaucoup Albert Willemetz, Maurice Yvain… J’ai même monté un spectacle musical à partir du répertoire français du début du siècle avec un groupe de 4, « Les Insolistes ». On l’a même présenté au festival d’Avignon (en été 1999) où on a trouvé un producteur qui nous a lâchés ensuite. Dans le groupe, il y a aussi Pablo Villafranca qui joue dans « Les 10 commandements ». En plus de ne pas avoir de producteur, nos emplois du temps font que pour l’instant, cette aventure est un peu dans le sommeil, même si après une centaine de représentations, elle nous tient vraiment à cœur.
Est-ce une de vos motivations de participer à la promotion du patrimoine de la chanson ?
Oui, je crois, même si je n’en fais pas mon cheval de bataille, c’est important. Moi, j’ai envie de créer des choses. C’est bien de reprendre les histoires de « Notre-dame », « Ali Baba », « Les 10 commandements », « Roméo et Juliette »… Surtout si ça relance la comédie en France, mais ça serait encore mieux d’écrire de nouvelles histoires, de trouver des thèmes nouveaux comme font les Anglo-saxons. J’espère qu’un jour on laissera leur chance à de nouveaux auteurs qui vont créer de nouveaux livrets.
En plus des trois spectacles musicaux de Louret, on vous a vu dans « L’Arlésienne » aux Folies Bergères avec jean Marais ?
Grâce à Roger Louret qui mettait en scène. C’était du théâtre accompagné par les musiques de Bizet. Catherine Lara en avait fait les arrangements musicaux qui n’étaient pas très bons d’ailleurs.
Ce spectacle n’a pas vraiment marché…
Non, il faut dire que ce n’était pas très bon non plus : les musiques étaient adaptées de façon très moderne avec des synthés, Roger avait fait une mise en scène classique, les décors étaient carrément d’une autre époque, enfin c’était n’importe quoi ! Pour moi, c’était une chance extraordinaire car j’avais Bernadette Laffont et jean Marais face à face à côté de moi…
Est-ce grâce au fait que vous connaissiez l’équipe de Gérard Louvin, qui vous avait produit dans les 4 spectacles de Roger Louret, que vous avez été accepté sur Roméo et Juliette …
D’abord Gérard Louvin n’a pas produit « L’Arlésienne » - il s’en est bien gardé (rires) – car ce spectacle était une production directe d’Hélène Martini des Folies Bergères. Ensuite, je n’ai pas été pistonné, j’ai passé, comme tout le monde, toutes les auditions, soit 5 ou 6 à la suite.
On vous a vu au cinéma notamment dans « La reine blanche », à la télé dans des séries comme « Une femme d’honneur », vous avez d’autres projets ?
Pour l’instant, non. De toute façon, personne ne me propose rien. J’ai eu plusieurs fois le producteur d’ « Une femme d’honneur » qui m’a dit : « Dès que tu as du temps, viens tourner avec nous. » Là, je pense que je vais faire une réapparition chez les gendarmes d’ici peu. Je pense que dès le moment où on jouera le soir et qu’on ne répètera plus la journée, je vais avoir du temps, ne serait-ce que pour reprendre les projets personnels.
Après les 3 mois à Paris, ferez-vous la tournée Roméo et Juliette ?
Oh oui, moi c’est la scène qui m’éclate. J’adore l’ambiance des coulisses, l’odeur du plateau. En ce moment, je suis impatient de jouer, même si je sais que je ne suis pas encore tout à fait prêt. Tant que je gagne ma vie et que ça me plaît, je continue. Peut-être que j’aurai changé d’avis dans 3 mois. Mais je ne crois pas car je suis conscient qu’un spectacle comme ça, cela n’arrive pas 2 fois dans une vie. Quand j’arrive aux répétitions et que je vois Redha, Presgurvic, Louvin… je me dis que j’ai beaucoup de chance.
Parlons de vos origines. Vous êtes le fils du comédien Maurice Baquet qui a beaucoup joué dans les opérettes avec Mariano. Il vous a poussé vers la comédie, la chanson ?
Notre papa a mis ses 5 enfants au conservatoire à 6 ans. Plus grands, on a eu le choix d’arrêter la musique mais on a tous continué. Ma grande sœur a fait de l’opérette avec mon père, mon grand frère joue toujours du violoncelle, même s’il a choisi un autre métier, mon autre frère fait de la trompette, ma sœur du piano comme moi. Dans les réunions de famille, on fait toujours de la musique.
Votre père, artiste, s’est-il suffisamment occupé de ses enfants ?
Oui, tout comme ma mère, qui, malgré son métier de chorégraphe, s’est très bien occupée de nous. Le premier souvenir que j’ai de mon père, c’est un soir où j’étais allé le voir dans une opérette au Châtelais. J’étais assis sur les genoux de ma mère et, tout à coup, je le vois dévaler les escaliers de la scène à toute vitesse pour venir m’embrasser et ensuite remonter sur la scène aussi vite. Ce devait être en 1971, car j’avais un an et demi et je suis né en 1970. Quand j’en parle à mon père, il me dit que ce devait être lors d’ « Andalousie » avec Mariano.
Non, il est mort en 1970. N’était-ce pas plutôt dans « Gipsy » avec José Todaro
Ah oui, peut-être… Quoi qu’il en soit, mes parents sont aujourd’hui ravis de ma carrière… Ils sont surtout contents que je fasse un métier que j’aime. Cela aurait pu être d’ailleurs un travail non-artistique, mais comme c’est le même qu’eux, c’est d’autant plus formidable.