Regard en coulisse

 

ROMEO ET JULIETTE : De la haine à l’amour

 

Et voilà que j’aime !

Il n’est pas toujours facile de juger un spectacle uniquement sur ses qualités propres en faisant abstraction de tout l’environnement. Dans le cas présent : un battage médiatique éreintant depuis près d’un an, la promesse de voir un spectacle hyper formaté dans une salle plus adaptée aux chanteurs de karaoké, avec une bande-son et tout ce que cela sous-entend de faux direct et de niveau acoustique intrusif… Bref, on ne peut pas vraiment dire que Roméo et Juliette soit à priori la tasse de thé de REGARD EN COULISSE en général et de moi en particulier. Et pourtant…

 

Autant vous le dire tout de suite, donc : j’ai beaucoup aimé Roméo et Juliette. On retrouve tout ce que Notre Dame avait pu porter d’espoirs pour un Théâtre Musical français renouvelé sans les défauts rédhibitoires de ces derniers, défauts hélas récemment amplifiés dans Les dix commandements.

 

Cette fois en effet, on a une vraie histoire racontée avec un vrai livret, celle de deux jeunes gens issus de deux mondes ennemis que seule leur mort saura réconcilier. On ne suppose pas que tout le monde a relu l’œuvre originale avant de venir au Palais des Congrès et Gérard Presgurvic, le père du spectacle, a fait une adaptation libre mais réussie et contemporaine dans sa thématique.

 

Les chorégraphies sont fort belles, en particulier celles où apparaît le personnage de la Mort. Mais là où Redha étonne le plus, c’est dans sa mise en scène, très réussie y compris dans ses idées les plus simples mais aussi les plus efficaces (les Montaigu sont en bleu, les Capulet en rouge). Il utilise de façon particulièrement intéressante le décor transformable et à plusieurs niveaux, de loin le plus réussi des grosses productions récentes. Une partie de l’émotion du spectacle vient en effet de ce palais de Vérone, tour à tour chambre alcôve ou salle de bal majestueuse. Les lumières sont également très réussies.

 

Tout n’est pas à l’avenant : il n’y a pas d’orchestre et, avec un tel budget et un spectacle d’ores et déjà rentabilisé par les ventes de disques et les pré-réservations, c’est inacceptable. D’autant que la sonorisation est exécrable. Et il faut avouer que certains lyrics sont très simplistes. Au désormais célèbre « Aimer céskyadplubô », il faut ajouter quelques autres perles : « Je hais la haine », « Et quand j’entends ton nom / je me bouche le nez » et le plus drôle  « Juliette / J’entends le chant de l’alouette (…) Non, c’est celui de rossignol / Je sens que je vais devenir folle » !

 

Aisément mémorisables, les musiques en revanche font mouche d’instinct. Presgurvic est un formidable mélodiste. Il y a au delà des trois singles formatés Top 50, bien d’autres titres avec un fort potentiel et qui s’intègrent sans problème à l’intérieur du spectacle.

 

Quant aux chanteurs, sans être forcément tous d’excellents comédiens et danseurs, les répétitions leur ont permis de progresser à un niveau que n’atteigne pas les autres productions, Ali Baba excepté. Damien Sargue (Roméo, pour ceux à qui cela aurait échappé) et Cécilia Cara (Juliette) sont évidemment mignons comme des cœurs mais ils ont aussi une vraie présence, elle en particulier est lumineuse. Leurs partenaires, un peu plus expérimentés, portent véritablement la dramaturgie du spectacle sur leurs épaules. Une mention spéciale aux deux mères des héros, Isabelle Ferron (Lady Capulet) et Eléonore Beaulieu (Lady Montaigu) ainsi qu’à Philippe D’Avilla (Mercutio). Je suis également tombé sous le charme de Réjane Perry (la Nurse) dont le personnage est d’une profondeur et d’une émotion rares. Enfin, déjà fort de son expérience au sein de la troupe de Roger Louret, Grégori Baquet explose véritablement dans le rôle de Benvolio, l’ami intime et la « conscience » de Roméo. Si l’on en croit la vox populi qui fait la vox dei, une étoile est née.

 

Chronique d’un succès annoncé ? Il semble bien. Au final, Roméo et Juliette est en effet un grand spectacle qui va attirer les foules pendant des mois. Ses interprètes vont pouvoir chanter « Les rois du monde pendant encore longtemps » !

 

 

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